L’épisode remonte au début de saison. Il est toujours…
L’épisode remonte au début de saison. Il est toujours d’actualité. Grégory Patat cherchait à intégrer un de ses trois-quarts centres dans la composition d’équipe du week-end. « Il y a une place à prendre », disait-il. Pas plus. La deuxième est occupée. Et Sireli Maqala n’est pas près de la lâcher. Le Fidjien de 22 ans est étincelant depuis de nombreux mois, encore plus en Top 14. Son manager ne s’y trompe pas : il lui flanque le numéro 13 dans le dos pour la septième fois de la saison, ce samedi face à Perpignan (17 heures).
La pépite n’a pas échappé à Vern Cotter. Le sélectionneur des Fidji l’a convoqué avec l’équipe nationale, cette semaine, pour la tournée de novembre. Une première à XV pour le champion olympique à VII. « Je suis un peu effrayé, lâchait-il ce mardi, installé à l’ombre des gradins de Jean-Dauger. Les Flying Fijians, ça représente beaucoup pour moi. Ça a toujours été mon ambition de les intégrer. » Le deuxième centre bayonnais a fait le nécessaire.
Un allant offensif permanent, des plaquages redoutables en défense, une activité incroyable dans les zones de ruck, deux essais marqués : Maqala est partout. « Qu’il continue ça, s’enthousiasme son équipier Manuel Leindekar. C’est plaisant de le regarder jouer. Et assez incroyable de voir qu’il se débrouille toujours bien avec le ballon en main. Dans les moments compliqués, il est toujours là. » Sa présence n’a pas tenu à grand-chose. Peut-être à la ténacité du président Philippe Tayeb.
Signé par l’Aviron quelques semaines avant son titre olympique en 2021, le joueur décide subitement de ne plus rejoindre le Pays Basque. « Je préfère jouer pour la fierté que pour l’argent », déclare-t-il au Fiji Sun. La direction du club ne lâche pas le morceau. Maqala débarquera sur les bords de Nive en novembre, plus de deux mois après le début de l’exercice. « C’était tout de suite après les Jeux, le club voulait que je vienne dans la foulée, il y avait encore des restrictions avec le Covid… J’ai hésité à partir si loin de chez moi. » Ses parents le pousseront finalement à l’exil. Pour le plus grand bonheur de Yannick Bru. « Tout le mérite en revient à Fred Bonhomme, son agent, raconte l’ancien manager de l’Aviron, aujourd’hui aux Sharks. C’est lui qui m’a convaincu d’aller plus loin avec Sireli. Quand on a vu les vidéos, j’ai vite compris qu’on tenait quelqu’un d’à part. Son potentiel sautait aux yeux. »
À tel point que l’ancien entraîneur de l’équipe de France est persuadé qu’il pourrait « jouer dans n’importe quelle écurie de Top 14. » L’Aviron l’a verrouillé jusqu’en 2024. Bru sait pourquoi. « Sireli me fait penser à Wesley Fofana. Il est très fort des membres inférieurs. Il a une puissance phénoménale dans les jambes sur 20 mètres. Et il est redoutable dans les duels. Il efface régulièrement le premier et le deuxième défenseur. Il secoue les mecs dans les duels offensifs comme défensifs. » Sans parler de son attirance pour les rucks. « Quand il s’y mettait, on ne sortait plus un ballon de la zone ! » L’intéressé se marre. « Beaucoup de coaches me demandent pourquoi j’y mets autant le nez. Quand j’étais jeune, je suis passé par l’académie HPU (High Performance Unit) aux Fidji. On apprenait tous les jours à aller dans les rucks, on les travaillait… Ça faisait partie intégrante des skills. On répétait et répétait sans cesse nos gammes. » Ce qu’il n’a cessé de faire depuis.
« Il est très pro, pose Bru. Dans la lignée du nouveau modèle de jeunes joueurs fidjiens. Il connaît parfaitement ses routines d’entraînement. Ce n’est pas un joueur qu’il faut booster. Si Joe Ravouvou est le pôle Nord, alors Sireli est le pôle Sud. » Grégory Patat s’en frotte les mains. « Il a un super pouvoir, image le manager bayonnais. Il peut mystifier n’importe quel adversaire avec le ballon, mais il a aussi la faculté de répéter les tâches et d’être connecté défensivement avec ses partenaires, ce qui le rend encore plus performant. Ce n’était pas forcément le cas auparavant. »
Placé à l’aile à son arrivée, le natif de Labasa, petite ville située sur l’île de Vanua Levu, est désormais bien arrimé au poste de deuxième centre. Avec un gabarit (1,72 m, 86 kg) pourtant bien loin des standards du poste. « Il compense avec un énorme courage et une véritable dimension athlétique », recadre Yannick Bru. « Il n’entrait pas vraiment dans les standards des clubs français, plutôt à la recherche d’ailiers ou de centres costauds chez les Fidjiens », relate Frédéric Bonhomme, dont le protégé peut également évoluer à l’ouverture ou à l’arrière. Tant mieux pour l’Aviron. « Sireli est dans la catégorie des facteurs X, enfonce Patat. Il est capable de transformer un match à lui tout seul, on l’a vu contre le Racing. C’est tout bénéfique car il est aussi capable de s’inscrire dans le projet collectif. »
« Jouer avec lui, c’est que du positif », apprécie Guillaume Martocq, son associé au centre ce week-end. À part peut-être pour la communication. Peu loquace, Maqala est aussi un peu fainéant sur les cours de français. « Il ne comprend rien, éclate de rire Afa Amosa, troisième ligne reconverti traducteur dans le vestiaire. Maintenant, il vit en colocation avec (Kaminieli) Rasaku. Je ne sais pas comment ils font le soir à table à la maison, parce qu’il ne parle pas beaucoup plus. » Les soirées doivent être longues. Dans tous les sens du terme. « C’est un coquin, se rappelle Yannick Bru. Ce n’est pas le dernier à faire la fête. Je l’avais surnommé Silver Fox car il cachait bien son jeu. Mais une fois sur le terrain, il était toujours redoutable. » L’emploi du présent n’est pas incongru.