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Un an avant la Coupe du monde, le rugby entre en terrain miné: Claude Atcher, ex-patron de France 2023, a été mis à pied pour harcèlement alors que débute le procès pour corruption de Bernard Laporte et Mohed Altrad.
Mohed Altrad et Bernard Laporte lors de la finale du Top-14, le 24 juin 2022 au Stade de France. Le président du club de Montpellier et celui de la Fédération française de rugby sont accusés de corruption, trafic d’influence et prise illégale d’intérêts.
Ambiance tendue vendredi 2 septembre au ministère des Sports. La ministre Amélie Oudéa-Castéra a convoqué un conseil d’administration exceptionnel du Groupement d’intérêt public (GIP) France 2023 organisateur de la Coupe du monde de rugby en France. Il s’agissait de propulser à sa tête le numéro deux, Julien Collette, après la mise à pied du patron Claude Atcher le 30 août. Une décision attendue depuis que le quotidien L’Equipe avait fait fuiter, en juin, un rapport accablant du comité d’éthique du GIP, dénonçant des "pratiques managériales alarmantes altérant le fonctionnement de la structure" et "l’état de souffrance d’un certain nombre de collaborateurs".
Claude Atcher, directeur général de France 2023. Il espère des millions de bénéfices pour un budget de 400 millions d'euros. Crédit : Eric Tschaen/Rea
Claude Atcher, ex-directeur général de France 2023. Celui qui a obtenu la Coupe du monde 2023 pour la France est mis en cause par des salariés, après 24 départs sur 193 employés de la structure.
Une avalanche de témoignages de salariés sur leur "harcèlement moral", 24 départs et 6 arrêts maladie en quelques mois parmi les 193 salariés du GIP. La Fédération française de rugby (FFR), qui détient 62% du groupement, et l’Etat, qui en possède 37%, ont alors fait diligenter une enquête sociale… qui a manifestement donné lieu à d’autres révélations gênantes. Dans la foulée, l’inspection générale des Finances et l’inspection générale de l’Education, du Sport et de la Recherche ont enquêté sur d’autres griefs: "D’éventuels manquements à la probité économique et financière ou des conflits d’intérêts."
Interrogé fin juillet par Le Journal du Dimanche, Claude Atcher, que son ancien équipier du Racing 92 Eric Blanc qualifie "de troisième ligne rugueux, à l’ancienne", plaidait "un décalage intergénérationnel" avec certains salariés, lui qui n’est pas adepte du "management paternaliste", mais dénonçait surtout "une cabale pour le mettre hors-jeu". Cela tombe mal: il ne reste plus qu’un an pour peaufiner l’organisation de la Coupe du monde prévue du 8 septembre au 28 octobre 2023 ; de plus, Atcher était un rouage indispensable, qui avait œuvré pour faire obtenir au Japon puis à la France les Mondiaux 2019 et 2023. L’affaire reflète le climat délétère dans un (petit) monde du rugby français tenu par quelques fortes personnalités puissantes, aux manettes depuis longtemps, où tout le monde se tient, générant frustrations et possibles dérives.
Pourtant, côté sportif, les résultats sont excellents: le XV de France a réalisé le Grand Chelem au tournoi des Six-Nations ; le demi de mêlée toulousain, Antoine Dupont, a été sacré meilleur joueur du monde ; La Rochelle et Lyon ont remporté la "grande" et la "petite" coupe d’Europe. Et le succès grandissant auprès du public en fait un business florissant.
Hasard du calendrier, ce scandale percute l’ouverture du procès, du 7 au 22 septembre, qui vise deux autres figures de l’Ovalie, Bernard Laporte, président de la Fédération française de rugby (FFR), et Mohed Altrad, président du club de Montpellier (MHR) et sponsor maillot du XV de France. Cette autre affaire ne jouera certainement pas non plus en faveur de l’image du rugby. Une enquête de la brigade de répression de la délinquance économique, probablement suite à des dénonciations, soupçonne Laporte de favoritisme envers Altrad, les accusant de "corruption, trafic d’influence et prise illégale d’intérêts".
En 2017, Laporte aurait fait pression sur la commission d’appel de la Fédération pour réduire de 50.000 euros une amende infligée au MHR. Selon la brigade financière, il avait à l’époque touché 150.000 euros de l’entrepreneur Altrad (31e fortune française) au titre d’un "contrat d’image" qui aurait été encaissé mais jamais exécuté. Interrogé par Challenges, Mohed Altrad n’a pas souhaité s’exprimer et réfute l’accusation. L’avocat de Bernard Laporte, maître Jean-Pierre Versini-Campinchi, estime que les griefs qui visent son client sont "parfaitement artificiels, notamment parce que les actes accomplis l’ont tous été dans l’intérêt de la fédération". Laporte a en partie remboursé la somme et le Parquet national financier s’interroge: y a-t-il eu renvoi d’ascenseur? La fédération est bien embarrassée: son président, réélu en 2020, reste à sa tête, alors que son préjudice a été évalué par les enquêteurs à 80 400 euros. Elle se constitue partie civile, au côté de la Ligue nationale de rugby (LNR) qui régente les clubs professionnels.
La FFR indique vouloir ainsi "accéder au dossier et être partie prenante lors du procès pour faire valoir son intérêt et participer activement aux débats afin de défendre les intérêts et l’image de la discipline". Bernard Laporte et Mohed Altrad partageront leur banc avec d’autres pontes, comme le numéro deux de la FFR, Serge Simon, aussi jugé pour "prise illégale d’intérêt". Et… Claude Atcher, un proche de Laporte qu’il a aidé à se faire élire à la tête de la FFR, avec son associé Benoît Rover. Eux sont jugés pour "recel d’abus de confiance" au préjudice de la FFR, "abus de biens sociaux" dans la gestion de leur société Score XV et "travail dissimulé par dissimulation d’activité" pour défaut de déclarations sociales et fiscales. "Tout ça, c’est à cause de l’argent!" résume un conseiller d’un des protagonistes de l’affaire. Le rugby fait douloureusement l’apprentissage de la "footballisation", cette tendance à faire du sport une machine à sous.
Budget des clubs de rugby et retombées économiques des coupes du mondes.. Crédit : Challenges
Budget des clubs de rugby et retombées économiques des coupes du mondes..
Il faut dire que le Rugby commence à intéresser les investisseurs. Fin août, le millionnaire de la tech britannique Ian Osborne devenait premier actionnaire du modeste club de Brive (Corrèze). Mais contrairement au football, où la moitié des clubs de Ligue 1 appartiennent à des étrangers, le rugby français attire jusqu’ici peu les investisseurs internationaux. Peut-être parce que les comptes des clubs sont nettement dans le rouge et que ce sport ne dispose pas encore du rayonnement planétaire du ballon rond. "On joue surtout en Grande-Bretagne, en France, et dans trois pays de l’hémisphère sud: les montants en jeu ne peuvent pas être comparés au football", reconnaît Jacky Lorenzetti, propriétaire du Racing 92 et du stade Paris La Défense Arena. Pourtant, le rugby est de plus en plus bankable: le nombre des licenciés atteint des records, les stades font le plein avec 13.300 spectateurs en moyenne. Il cartonne aussi sur les écrans: la finale du Top-14 Castres-Montpellier, le 24 juin dernier, a réuni presque 4 millions de téléspectateurs sur France 2 et Canal+. La Coupe du monde 2023 en France devrait aussi être profitable, avec 760 millions d’euros de recettes attendues (dont 335 en billetterie) et plus de 2,5 milliards de retombées économiques.
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